2011-01-21
Plusieurs dizaines de tentatives d’immolation par le feu ont eu lieu ces derniers jours en Algérie, Mauritanie, Egypte et d'autres pays arabes. La symbolique amplifiée par le cas tunisien est assez troublante. Témoignages de trois Algériens qui ont essayé de s'immoler.
Senouci Touati à Mostaganem
"J’encaisse depuis des années en silence. Khezit echitane (j’ai maudit le diable) et j’ai résisté à cette petite voix en moi qui me disait de le faire. Mais c’en était trop. Trop de mépris, trop de détresse et aucune autre issue que la mort", raconte Senouci, 34 ans, chômeur. Il a tenté de s’immoler par le feu samedi 15 janvier et qui se remet à peine de ses blessures. Bandages à la main et la jambe gauches, pansement sur la tête, Senouci a quitté l’hôpital, mais il reste quelque peu déboussolé et a du mal à réaliser tout ce qui lui arrive. "C’était le seul moyen de dénoncer la situation invivable dans laquelle on est", ajoute-t-il. Il s’est aspergé d’essence et n’a pas hésité à jeter une allumette sur ses jambes, en face de la police de sa ville. Il a été secouru après avoir perdu connaissance. A travers le pays, ils sont plusieurs à avoir tenté cette forme de contestation, à quelques jours ou heures d’intervalles, mais Senouci n’avait même pas entendu parler des autres cas déclarés ailleurs avant de passer à l’acte. "Pourquoi ne pas déclencher des émeutes, une mobilisation pacifique pour revendiquer au lieu d’importer des pratiques contraires à la religion ?" se demande une habitante du centre-ville. Adel, vendeur de cigarettes ambulant rencontré au boulevard Benyahia Abdelkader, à quelques mètres du lieu où Senouci a tenté de se suicider, répond : "Quand on arrive à un certain seuil de révolte et de souffrance, on ne peut qu’exploser. Ce n’est pas nouveau dans la région, mon frère s’est immolé par le feu en 2003, pour presque les mêmes raisons que Senouci : chômage, indifférence des autorités locales".
Pourquoi avoir tenté l’extrême ? "J’étais contractuel dans l’armée et j’ai été écarté en 2002 à cause d’un retard que j’ai fait alors que j’étais en permission. J’étais malade et je l’ai justifié. Depuis, j’ai perdu mon poste et je galère pour avoir droit à une pension. J’ai déposé des requêtes, mais l’administration m’ignore", explique Senouci. A quelques mètres du commissariat central de Mostaganem, un officier de policier esquisse un sourire dès que le nom de Senouci est prononcé. "C’est un malade mental, il ne voulait même pas mourir, c’était juste pour faire l’intéressant !" dit-il. Pour le représentant de la loi, il ne s’agit ni de contestation ni d’exemple tunisien à suivre. Ce qu’en pense Senouci ? "Dès que j’ai repris connaissance, la police est venue me chercher de la maison. Ils m’ont aussi emmené chez un psychiatre avec qui j’ai discuté et qui a bien compris que malgré cet acte de désespoir, j’avais toute ma tête. Je ne les laisserai pas me faire passer pour un fou", explique-t-il calmement.
Fatema à Sidi Bel Abbès
"Je voulais mourir, je veux encore mourir", s’exclame Fatema sur un ton suppliant. Première Algérienne à avoir tenté de s’immoler, cette quadragénaire, divorcée, ne regrette pas son acte. C’est la première chose qu’elle précise après avoir soulevé le rideau de la porte d’entrée de l’habitation où elle vit à Bordj Djaâfar, un village au sud de Sidi Bel Abbès. Assise sur un tapis qui centre une pièce quasiment vide, Fatema montre du doigt les deux pièces de sa maison en énumérant les membres de la famille Abou : dix personnes. "On vit avec la petite pension de ma mère et personne ne travaille à la maison", précise-t-elle. Demandes de logement et d’emploi sont restées sans suite. "Ils n’ont même pas voulu me recruter comme femme de ménage parce que je suis divorcée et sans enfant, la loi ne le permet pas, disent-ils." Mi-janvier, une rumeur a circulé dans le quartier selon laquelle la mairie allait lancer une opération de restauration des habitations précaires. Fatema raconte que sa mère s’est présentée, mais a été sévèrement rabrouée. "Je n’ai pas supporté de la voir éplorée et humiliée. J'ai pris de l’essence de la moto de mon frère. Je voulais qu’ils me voient mourir. Je me suis aspergée d’essence, mais un policier m’a confisqué le briquet. Je voulais juste mourir."
Mohamed Aouichia à Bordj Menaïel
Senouci Touati à Mostaganem
"J’encaisse depuis des années en silence. Khezit echitane (j’ai maudit le diable) et j’ai résisté à cette petite voix en moi qui me disait de le faire. Mais c’en était trop. Trop de mépris, trop de détresse et aucune autre issue que la mort", raconte Senouci, 34 ans, chômeur. Il a tenté de s’immoler par le feu samedi 15 janvier et qui se remet à peine de ses blessures. Bandages à la main et la jambe gauches, pansement sur la tête, Senouci a quitté l’hôpital, mais il reste quelque peu déboussolé et a du mal à réaliser tout ce qui lui arrive. "C’était le seul moyen de dénoncer la situation invivable dans laquelle on est", ajoute-t-il. Il s’est aspergé d’essence et n’a pas hésité à jeter une allumette sur ses jambes, en face de la police de sa ville. Il a été secouru après avoir perdu connaissance. A travers le pays, ils sont plusieurs à avoir tenté cette forme de contestation, à quelques jours ou heures d’intervalles, mais Senouci n’avait même pas entendu parler des autres cas déclarés ailleurs avant de passer à l’acte. "Pourquoi ne pas déclencher des émeutes, une mobilisation pacifique pour revendiquer au lieu d’importer des pratiques contraires à la religion ?" se demande une habitante du centre-ville. Adel, vendeur de cigarettes ambulant rencontré au boulevard Benyahia Abdelkader, à quelques mètres du lieu où Senouci a tenté de se suicider, répond : "Quand on arrive à un certain seuil de révolte et de souffrance, on ne peut qu’exploser. Ce n’est pas nouveau dans la région, mon frère s’est immolé par le feu en 2003, pour presque les mêmes raisons que Senouci : chômage, indifférence des autorités locales".
Pourquoi avoir tenté l’extrême ? "J’étais contractuel dans l’armée et j’ai été écarté en 2002 à cause d’un retard que j’ai fait alors que j’étais en permission. J’étais malade et je l’ai justifié. Depuis, j’ai perdu mon poste et je galère pour avoir droit à une pension. J’ai déposé des requêtes, mais l’administration m’ignore", explique Senouci. A quelques mètres du commissariat central de Mostaganem, un officier de policier esquisse un sourire dès que le nom de Senouci est prononcé. "C’est un malade mental, il ne voulait même pas mourir, c’était juste pour faire l’intéressant !" dit-il. Pour le représentant de la loi, il ne s’agit ni de contestation ni d’exemple tunisien à suivre. Ce qu’en pense Senouci ? "Dès que j’ai repris connaissance, la police est venue me chercher de la maison. Ils m’ont aussi emmené chez un psychiatre avec qui j’ai discuté et qui a bien compris que malgré cet acte de désespoir, j’avais toute ma tête. Je ne les laisserai pas me faire passer pour un fou", explique-t-il calmement.
Fatema à Sidi Bel Abbès
"Je voulais mourir, je veux encore mourir", s’exclame Fatema sur un ton suppliant. Première Algérienne à avoir tenté de s’immoler, cette quadragénaire, divorcée, ne regrette pas son acte. C’est la première chose qu’elle précise après avoir soulevé le rideau de la porte d’entrée de l’habitation où elle vit à Bordj Djaâfar, un village au sud de Sidi Bel Abbès. Assise sur un tapis qui centre une pièce quasiment vide, Fatema montre du doigt les deux pièces de sa maison en énumérant les membres de la famille Abou : dix personnes. "On vit avec la petite pension de ma mère et personne ne travaille à la maison", précise-t-elle. Demandes de logement et d’emploi sont restées sans suite. "Ils n’ont même pas voulu me recruter comme femme de ménage parce que je suis divorcée et sans enfant, la loi ne le permet pas, disent-ils." Mi-janvier, une rumeur a circulé dans le quartier selon laquelle la mairie allait lancer une opération de restauration des habitations précaires. Fatema raconte que sa mère s’est présentée, mais a été sévèrement rabrouée. "Je n’ai pas supporté de la voir éplorée et humiliée. J'ai pris de l’essence de la moto de mon frère. Je voulais qu’ils me voient mourir. Je me suis aspergée d’essence, mais un policier m’a confisqué le briquet. Je voulais juste mourir."
Mohamed Aouichia à Bordj Menaïel
Amari, Matarese,Koubabi,Smail El Watan